ampoule recouverte de gazon vert dans une main

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le gestionnaire du réseau RTE ont publié leur rapport « sur les conditions techniques nécessaires pour un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050 », une étude commandée par le gouvernement en 2019. L’objectif ? Savoir si la France pourrait ou non avoir les capacités techniques de tirer l’essentiel de son électricité des énergies renouvelables d’ici 2025.

Attention, cependant, « Le rapport n’examine pas la question de savoir si ces scénarios sont socialement souhaitables ou attrayants ni celle de leur coût et de leur viabilité financière. Ces points seront abordés ultérieurement, sur la base des études menées par RTE en concertation avec les parties prenantes. ». Une consultation publique a d’ailleurs été ouverte ce jour.

Un rapport de prospective technique

En creux, l’AIE et RTE interrogent les leviers techniques que peut actionner la politique de stratégie bas carbone.

En effet, l’étude rappelle que la PPE prévoit une augmentation significative de la production annuelle d’EnR qui serait portée de 109 TWh à 300 TWh en 10 ans. Dans le même temps, un objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité a été fixé à 2035 dans la loi. L’étude insiste aussi sur l’urgence « de développer une stratégie industrielle pour remplacer les centrales nucléaires existantes lorsqu’elles arriveront en fin de vie. ». « À ce jour, un large consensus prévaut sur le fait que les centrales actuelles ne peuvent être exploitées plus de 60 ans et que leur grande majorité sera déclassée entre 2030 et 2050. » Il est donc nécessaire de prévoir comment sera pallié ce manque à venir de production de 400 TWh d’électricité décarbonée.

A ce jour, « deux options sont sur la table :

  1. remplacer certains des réacteurs déclassés par de nouveaux — c’est-à-dire lancer un nouveau programme nucléaire — et compléter ce dispositif par un fort développement des EnR afin d’obtenir un mix d’électricité totalement décarbonée d’ici à 2050 ;
  2. s’appuyer sur les seules EnR pour remplacer les réacteurs déclassés. Si cette solution était retenue, la part des EnR atteindrait environ 85-90 % en 2050 et 100 % en 2060.»

Passer au 100% EnR : 4 défis majeurs

L’Agence internationale de l’énergie  et le gestionnaire du réseau récapitulent dans cette étude les défis techniques que la France devra relever pour pouvoir s’orienter vers la 2ème option. Quatre enjeux ressortent notamment :

Assurer la stabilité de la fréquence

S’il existe un consensus scientifique sur la stabilité théorique d’un système électrique sans moyen de production conventionnel, les technologies envisagées n’ont encore jamais fait l’objet d’une démonstration à grande échelle. « Des difficultés spécifiques pourraient concerner les systèmes comportant une part importante de photovoltaïque distribué pour lesquels il est nécessaire de poursuivre l’évaluation des impacts sur le réseau de distribution et la sûreté du système électrique. »

Gérer l’intermittence éolienne, solaire et garantir la sécurité d’alimentation en électricité

Viser un système reposant très majoritairement sur les EnR nécessiterait le développement de nouveaux types de flexibilité, « dans des proportions qui varient selon les scénarios considérés ». Dans les grandes lignes, il devrait être envisagé de :

– Créer de nouvelles unités de pointe pilotables. Les centrales de pointe actuelles utilisent des combustibles fossiles ; le rapport suggère qu’elles pourraient utiliser d’autres combustibles comme l’hydrogène ou le biogaz.

– Construire des installations de stockage dédiées à grande échelle : batteries (pour faire face aux fluctuations quotidiennes), de nouvelles installations hydrauliques de pompage-turbinage ou une augmentation de la capacité des installations existantes (pour faire face aux variations hebdomadaires), installations de production et de stockage de combustibles de synthèse, tel l’hydrogène (pour faire face à la variabilité saisonnière et interannuelle).

– Accroitre la flexibilité de la demande et engager les consommateurs. Le rapport met en exergue le gisement potentiel représenté par les bâtiments et les usines qui « devront avoir la faculté de répondre automatiquement en fonction des prix de marché ou des demandes explicites des gestionnaires du système électrique ». Cela implique de s’interroger, avec l’ensemble des parties prenantes, sur les conditions pour développer un environnement industriel permettant de porter cette ambition.

– Soutenir le développement et l’interconnexion des réseaux. « Le maillage du système électrique au niveau régional et international jouera ainsi un rôle primordial dans l’intégration des énergies renouvelables. »

Redimensionner les réserves et optimiser l’observabilité en temps réel de la production

L’intégration de grands volumes d’énergie éolienne et photovoltaïque induit une action spécifique pour faire face aux incertitudes et à la nature décentralisée des EnR variables. Cela aura une incidence sur le dimensionnement et l’utilisation des réserves opérationnelles.

Des investissements sont en cours et d’autres sont à prévoir.

En effet, jusqu’à maintenant, du fait de la prédominance du nucléaire dans son mix électrique, la France n’avait pas besoin de constituer de larges réserves opérationnelles pour garantir l’équilibre à court terme. Un système d’équilibrage que RTE et l’AIE reconnaissent être « l’un des plus compétitifs d’Europe au niveau des coûts reflétés au consommateur ».

Enfin, si l’éolien et le photovoltaïque viennent à être majoritaires dans le mix français, « cela pourrait se traduire par des incertitudes plus conséquentes sur la production, même quelques heures avant le temps réel. » Logiquement, des actions devront également être menées afin d’améliorer l’observabilité en temps réel de la production renouvelable et de permettre à la fois une meilleure prévisibilité et une estimation précise de la consommation nette de la production renouvelable non pilotable.

Le développement et la transformation des réseaux

Lors des échanges avec la CRE pour la mise en place du Turpe 6, Enedis et RTE ont déjà livré leurs prévisionnels. Seront-ils suffisants ? « Au-delà de 2030, une extension, un renforcement et une restructuration en profondeur du réseau seront nécessaires pour atteindre des parts élevées d’EnR. Compte tenu du temps nécessaire pour consulter les parties prenantes et obtenir les autorisations, ces développements doivent être planifiés rapidement et décidés dans les années à venir » note ainsi le rapport.

Une consultation publique pour mettre à l’épreuve les différents scénarios

La consultation est organisée autour de huit scénarios d’études, distingués selon deux familles, avec ou sans nouveau programme électronucléaire, et qui conduisent à une part des énergies renouvelables comprise entre 50 et 100% en 2050. Les scénarios sont étudiés selon une même grille d’analyse : la faisabilité technique, le coût économique, l’empreinte environnementale, et l’impact sur les modes de vie.

Des approfondissements spécifiques sont proposés, notamment sur la production d’hydrogène, les perspectives de réindustrialisation et le rôle de la sobriété énergétique.

Le rapport issu de ces travaux sera présenté à l’automne 2021.

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.