Le stockage du gaz est un élément clé de la chaîne de valeur. Il permet d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la France en lui garantissant des réserves. Comment fonctionne le stockage du gaz en France ? Que sont les enchères de capacités ? Comment impacte-t-il la facture des professionnels ?

Stockage du gaz : sécuriser l’approvisionnement

Le stockage du gaz naturel constitue un enjeu stratégique sur le marché de l’énergie en permettant de répondre aux attentes des producteurs et des consommateurs, au moment où ils en ont besoin. Car contrairement à l’électricité, le gaz est stockable en masse et donc rapidement mobilisable pendant les pics hivernaux de consommation.

Une souplesse qui facilite l’équilibre entre l’offre et la demande à un coût plus avantageux, et qui réduit la dépendance du pays face aux événements exogènes et aux aléas de production susceptibles de provoquer des ruptures d’approvisionnement. Les dispositifs et les mécanismes de stockage sont donc des éléments clés de la chaîne d’approvisionnement gazière sur le territoire et de l’équilibre énergétique d’un pays, au service des consommateurs et de l’économie.

Guerre en Ukraine et remplissage des centres de stockage

Dans un depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le marché du gaz étant fortement perturbé, le gouvernement français souhaite garantir un taux de remplissage de 100% des sites de stockage en France. Le remplissage à 100% des centres de stockage a été atteint en octobre 2022.

La France n’est pas le seul pays à s’être organisé. Le Conseil européen a définitivement adopté le règlement visant à s’assurer que, malgré les perturbations observées sur le marché du gaz, les capacités de stockage de gaz dans l’UE soient remplies avant la saison hivernale et puissent être partagées entre les États membres, dans un esprit de solidarité.

Le règlement prévoit que les installations de stockage souterrain de gaz sur le territoire des États membres devront être remplies à au moins 80 % de leur capacité avant le début de l’hiver 2022/2023 et à 90 % avant le début des périodes hivernales suivantes. Au niveau global, l’Union s’efforcera d’atteindre collectivement un niveau de remplissage de 85 % de la capacité totale des stockages souterrains de gaz dans l’Union en 2022.

Où est stocké le gaz en France ?

Le gaz est stocké dans des réservoirs aériens ou souterrains :

  • Le stockage aérien au sein de réservoirs de gaz cylindriques permet de mettre en réserve entre 500 et 10 000 m3 de gaz à pression atmosphérique, et des réservoirs de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) utilisés pour stocker le gaz à l’état liquide.
  • Le stockage souterrain dans des réservoirs à grande profondeur dans lequel le gaz naturel est injecté sous pression, entre 40 et 720 bars :
  • Le stockage « en nappe aquifère » où l’on injecte le gaz dans une couche souterraine de roche poreuse contenant de l’eau
  • Le stockage « en cavité saline » qui consiste à créer une cavité souterraine artificielle dans une roche sédimentaire composée de sel
  • Le stockage « en gisement déplété » qui utilise d’anciens gisements d’hydrocarbures reconvertis en sites de stockage

Qui s’occupe du stockage ?

Le stockage aérien est réalisé sur les terminaux méthaniers. C’est Elengy qui s’en occupe. Pour le stockage sous forme gazeux, les sites de stockage sont gérés par :

  • Storengy (filiale d’Engie) ;
  • Teréga (anciennement TIGF) ;
  • Géométhane.

Réforme du stockage du gaz en 2018

Manque de rentabilité et crise gazière : un besoin de réforme

La précédente réglementation qui définissait les conditions de commercialisation des capacités de stockage date de 2014. Elle imposait aux fournisseurs de gaz naturel de souscrire chaque année des capacités auprès des opérateurs de stockage, en fonction de leur portefeuille de clients. Les fournisseurs devaient donc payer les opérateurs, à savoir Storengy, la filiale d’Engie, ou TIGF, pour avoir le droit d’injecter et de soutirer du gaz naturel dans leurs cavités de stockage.

Les fournisseurs de gaz achetaient des espaces de stockage selon des tarifs fixés par ces stockeurs. Les fournisseurs comme TotalEnergies, Engie ou Endesa devaient prévoir leurs besoins en fonction de leur portefeuille clients, en souscrivant des capacités de stockage avant l’hiver et le renchérissement des prix, c’est-à-dire avant le 1er novembre de chaque année.

Mais les fournisseurs avaient de moins en moins d’intérêt économique à stocker par anticipation, étant donné que l’écart de prix entre les périodes s’était fortement réduit, abondance de ressources oblige. Les conséquences de ce système étaient jugées triplement néfastes :

  • des réserves plus réduites, pouvant mener à la pénurie en cas d’hiver rigoureux et affaiblissant l’approvisionnement du pays ;
  • une mise en péril du modèle économique des stockeurs qui peinaient à absorber leurs coûts opérationnels ;
  • des coûts élevés de stockage que les fournisseurs répercutaient sur leurs clients finaux, et ce, de manière relativement floue, ce qui n’aidait d’ailleurs pas à comparer et à choisir les offres de gaz…

Appelée de leurs vœux par les pouvoirs publics et certains acteurs du marché, une réforme a vu le jour en février 2018. Avec des enjeux en termes de réserves pour assurer la continuité de fourniture, et de revenus pour les opérateurs de stockage.

2018 : un fonctionnement sous forme d’enchère

La principale évolution de la réforme porte sur la suppression de cette fameuse obligation de stockage. En lieu et place, les opérateurs devront commercialiser leurs capacités de stockage via un système d’enchères, et ce, depuis le 5 mars 2018.

Finies les obligations de stockage, les capacités disponibles des stockeurs Storengy, Teréga et du nouvel opérateur Géométhane, sont désormais mises aux enchères tous les ans au printemps, sans qu’aucun prix minimum ne soit fixé. Cela permet aux fournisseurs de gaz naturel d’acheter leurs réserves de stockage à un coût moins élevé.

Comme indiqué par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) cette réforme a un double objectif :

  • assurer que les volumes minima de stockage nécessaires pour la sécurité d’approvisionnement sont souscrits via les enchères ;
  • garantir aux stockeurs de percevoir leur revenu autorisé minimum, c’est-à-dire, l’enveloppe budgétaire nécessaire pour maintenir leur activité, via un mécanisme de compensation.

Les premières enchères ont eu lieu du 5 au 26 mars 2018 pour commercialiser les capacités de stockages de gaz naturel pour la période 2018-2019. Leur résultat a permis de porter un premier jugement sur la pertinence du nouveau mécanisme réglementant le stockage de la molécule.

Au terme de ces enchères, la CRE a annoncé dans son communiqué de presse du 27 mars 2018 que « La quasi-totalité de ces capacités a été allouée, à des prix variant entre 0 et 2,02 €/MWh. En dehors de ces enchères, certaines capacités avaient été souscrites par des contrats long terme. Au total, les capacités souscrites s’élèvent à 128 TWh et dépassent le seuil minimum de 1 990 GWh/j défini par l’arrêté du 13 mars 2018 relatif aux stocks de gaz naturel pour garantir la sécurité d’approvisionnement entre le 1er novembre 2018 et le 31 mars 2019 ». Le premier objectif fixé par le régulateur a donc été atteint en ayant permis de retrouver des niveaux de stock suffisants pour le prochain hiver gazier.

La compensation : une remise en cause de la réforme par l’UE ?

Comme l’explique la Commission européenne « Ce mécanisme prévoit la mise aux enchères des capacités de stockage et la couverture des coûts des opérateurs de stockage. Pour cela, lorsque les recettes de ces opérateurs sont inférieures au niveau de revenu défini par l’autorité indépendante de régulation de l’énergie en France (la CRE), les opérateurs de stockage perçoivent une compensation ».

La compensation, le terme tarifaire de stockage, est financée via le tarif d’acheminement du gaz, l’accès des tiers au réseau de transport de gaz naturel (ATRT). Ce tarif est répercuté sur la facture des consommateurs.

C’est le principe de compensation qui posait question à Bruxelles. En effet, il s’agissait de voir s’il ne s’apparentait pas à une aide de l’État qui ne faussait pas la concurrence. En 2020, celle-ci a lancé une enquête pour savoir si la réforme du stockage du gaz était compatible avec le droit communautaire.

Une régulation compatible avec le droit de l’Union européenne

Le 28 juin 2021, « la Commission a conclu que les effets négatifs que la mesure pourrait produire en termes de distorsions de concurrence sont suffisamment limités pour que l’équilibre général de la mesure soit positif » a fait savoir l’institution dans un communiqué de presse.

Le mécanisme étant régulé par la CRE, l’indépendance des opérateurs de stockage est garantie.

D’autre part, leurs recettes ne sont pas entièrement dépendantes de l’État. Le mécanisme semble d’ailleurs fonctionner puisque la totalité des capacités de stockage a été souscrite en prévision de l’hiver 2021-2022 depuis la fin mars 2021.

Un terme de stockage en hausse ?

Le terme de stockage a évolué dans le temps, il semble avoir fait face à des fluctuations. Après de fortes baisses, il a été en hausse entre 2021 et 2022. Il enregistre une diminution en 2023.

Le tarifaire de stockage applicable au 1er avril 2023

A l’issue de cette dernière campagne d’enchères, en vertu de la Délibération n° 2023-81 du 16 mars 2023, « Le terme tarifaire stockage applicable à partir du 1er avril 2023 et jusqu’au 31 mars 2024 est en conséquence fixé à 186,70 €/MWh/j/an. Il est en baisse par rapport au niveau de 2022. »

Le tarifaire de stockage applicable au 1er avril 2022

La CRE a fixé le terme tarifaire de stockage applicable à partir du 1er avril 2022 à 261,08 €/MWh/j/an. Ce terme tarifaire de stockage permet de compléter les recettes de la commercialisation des capacités de stockage et ainsi assurer la perception pour les opérateurs de stockage de leur revenu autorisé fixé par la CRE.

Le terme tarifaire de stockage applicable au 1er avril 2021

A l’issue de la campagne d’enchères la CRE a fixé le terme tarifaire de stockage applicable à partir du 1er avril 2021 à 185,11 €/MWh/j/an. Ce terme tarifaire de stockage permet de compléter les recettes de la commercialisation des capacités de stockage et ainsi assurer la perception pour les opérateurs de stockage de leur revenu autorisé fixé par la CRE. Pour 2021, les recettes collectées lors des enchères couvrent 47 % du revenu autorisé des opérateurs de stockage, contre 63% en 2020 et 26% en 2018 et 2019.

Le terme tarifaire de stockage en 2020

2020 a été marqué par une baisse des prix du gaz et cela a aussi touché le prix du stockage. Au 1er avril 2020, le niveau du terme tarifaire stockage a été porté à 78,63 €/MWh/j/an. Cela constitue une baisse de 63% par rapport à l’année 2019.

Le terme tarifaire de stockage en 2019

Au terme des enchères organisées par Storengy et Teréga, la CRE annonce que la totalité des capacités de stockage de gaz naturel, soit 129 TWh, a été souscrite, ce qui assure ainsi la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver 2019-2020.

La totalité des capacités commercialisées ont été allouées, à des prix variant entre 0,83 €/MWh et 4,29 €/MWh. Elles ont ainsi permis de tripler les recettes associées aux enchères par rapport à l’année dernière.

La CRE fixe le niveau du terme tarifaire stockage applicable à partir du 1er avril 2019 à 213,46 €/MWh/j/an, soit une baisse de 28% par rapport à l’année précédente.

Quel impact de la composante stockage sur la facture de gaz des consommateurs ?

Depuis la réforme un changement majeur s’opère au niveau de l’imputation des coûts de stockage qui sont désormais intégrés à la part « acheminement » de la facture alors qu’auparavant le consommateur les payait dans la part « fourniture ». Rappelons en effet qu’une facture de gaz comporte :

  • Une partie « fourniture », qui correspond au prix d’achat du gaz naturel et aux frais de fonctionnement du fournisseur ;
  • Une partie « acheminement » qui couvre l’utilisation des réseaux de transport et de distribution, et qui est indépendante du fournisseur ;
  • Une partie « taxes », au nombre de 3 en gaz, fixées par les pouvoirs publics : la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA), la Taxe Intérieure sur Consommation de Gaz Naturel (TICGN) et la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).

D’autre part, l’entrée en vigueur de la réforme apporte de la transparence à cette composante de la facture puisqu’elle prévoit une application identique quel que soit le fournisseur, à travers un calcul public fixé par la CRE.

Quant à l’impact coût, il dépend notamment du profil et du lieu de consommation.

Au final, le budget global du consommateur de gaz ne devrait pas beaucoup évoluer. Il payait auparavant le stockage uniquement dans la partie « molécule » de sa facture; il le paiera demain dans la partie « molécule » ET « transport ».Même si la CRE affiche une baisse globale du coût de stockage du gaz naturel de 30% grâce à cette réforme, les impacts devraient être différents selon les profils de consommateurs. Car cette évolution réglementaire marque un changement de structure des coûts de stockage : selon la façon dont l’ATRT intègrera la future composante « stockage », certains consommateurs pourraient même voir leur coût de stockage augmenter.

En plus de vous aider à trouver les meilleurs contrats de gaz et d’électricité pour votre entreprise, les consultants experts d’Opéra Énergie sont à votre disposition pour vous expliquer en détails les conséquences des changements de réglementations sur les marchés de l’énergie.

Optimisez les taxes sur l’énergie

Les professionnels peuvent optimiser leur facture de gaz en jouant sur la composante taxe. En effet, certains consommateurs sont éligibles à une exonération de TICGN. N’hésitez pas à faire appel à un courtier en énergie, comme Opéra Energie, pour discuter des possibilités d’exonération.

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.