individualisation des frais de chauffage et copropriétés

Dans un arrêté du 6 septembre 2019, les modalités de la réforme de l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles collectifs ont été précisées.

Les copropriétés équipées d’un chauffage collectif ou d’une centrale de froid entraînant une consommation d’énergie en chauffage supérieure à 80 kWh/m² ont jusqu’au 25 octobre 2020 pour se doter d’un système d’individualisation des frais de chaleur et de froid. Une mise en conformité qui ne cesse de faire débat depuis ses prémices en 2012 !

Individualiser les frais de chauffage pour une meilleure gestion de sa consommation

Le chauffage représente entre 62% et 66 % des consommations d’énergie dans l’habitat. Dans un immeuble chauffé collectivement, le partage de la facture se fait habituellement selon les tantièmes ou au prorata de la surface de l’appartement, même si la consommation de chauffage diffère d’un logement à l’autre. En individualisant les frais de chauffage, le législateur veut permettre à chacun :

  • De mieux maitriser sa consommation afin de générer des économies d’énergie et de faire baisser sa facture. L’ADEME table en effet sur 15 % d’économies d’énergie. Réduire la combustion de l’énergie de chauffage permettra également de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
  • De bénéficier d’un principe d’équité, puisque l’usager ne payera que l’énergie qu’il aura effectivement consommée. La situation de l’appartement dans l’immeuble sera également prise en compte.

Une réforme brûlante

Fin 2018, seulement « 12% des copropriétés équipées en chauffage collectif » auraient individualisé leurs frais de chauffageselon l’Association des responsables de copropriété (ARC), sur « un total de 2000 syndicats de copropriétaires » sollicités. Mais, désormais, les copropriétés ne peuvent plus éluder le problème. A moins de s’exposer à 1500 euros d’amende par logement.

L’arrêté de septembre 2019  a en effet clarifié le calendrier de mise en conformité : « Les appareils d’individualisation des frais de chauffage ou de refroidissement et les répartiteurs devront être mis en service (Code de l’énergie : R.241-10) au plus tard:  

  • le 25 octobre 2020 pour tous les immeubles concernés par l’obligation ;
  • à partir du 25 octobre 2020, les appareils installés sont relevables par télé-relève ;
  • au 1er janvier 2027, tous les immeubles concernés doivent être équipés de télé-relève. »

Des possibilités de dérogations plus restreintes

Les conditions de dérogation d’installation de compteurs individuels d’énergie thermique (CET) ont également été précisées ainsi que celles qui dispenseraient les copropriétés de l’alternative à ces compteurs, à savoir les répartiteurs de frais de chauffage.

Or, excepté pour le cas des logements foyers, ces différentes conditions sont aujourd’hui très contraintes : le désembouage, l’équilibrage des réseaux ou le remplacement des robinets thermostatiques déjà présents ne font ainsi plus partie des critères suspensifs. Et, surtout, les demandes de dérogation doivent être des plus argumentées : il faut par exemple pouvoir justifier de l’absence de rentabilité reposant sur un calcul en coût global actualisé sur 10 ans. Ce qui fait dire à l’ARC que désormais ce sont 80 % des copropriétés qui sont concernées par la mise en conformité soit 5 millions de logements. L’association a immédiatement réagi, dénonçant rien de moins qu’un « un scandale politique ».

Des objectifs incertains

L’ARC revient notamment sur l’une des principales ambitions de ces changements, la réalisation d’économies d’énergie qu’elle estime fallacieuse sinon bancale. Certes l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a indiqué que cette mesure permettrait une réduction énergétique mais elle a pondéré ses propos, relativisant de fait la promesse d’économies :  « Tout repose sur le comportement des consommateurs. La première année, les gens font attention, mais il peut y avoir un relâchement sur la durée. »

On peut aussi légitimement se demander si les copropriétaires seront prêts à engager de nouveaux budgets pour d’autres travaux de rénovation énergétique tels que l’isolation de la façade ou de la toiture, fers de lance de la transition énergétique…

L’individualisation des frais de chauffage aurait par ailleurs une visée d’équité sociale, ce que certains contestent à l’instar de 60 millions de consommateurs qui, déjà en 2017, alertait : « Le calcul individualisé des frais de chauffage est souvent présenté comme plus équitable, chacun payant ce qu’il consomme. Cela semble plus juste – sauf qu’en matière de chauffage, les occupants ne sont pas à égalité. Un appartement au dernier étage en pignon nord aura besoin d’être plus chauffé qu’un appartement avec une seule façade exposée au sud. Il y a donc une inégalité de départ […] Il peut aussi y avoir des inégalités liées à l’état du logement. Le locataire qui n’a que du simple vitrage sera moins bien loti que son voisin avec du double vitrage. Sur le plan de la justice sociale, enfin, on peut s’inquiéter de voir l’individualisation des frais de chauffage alourdir les factures des personnes âgées ou sans activité, qui passent plus de temps dans leur appartement. »

Des moyens pointés du doigt

Plus globalement ce sont les appareils de mesure qui cristallisent les tensions. Si la mise en place de CET est impossible pour des raisons techniques (ils ne peuvent être installer que lorsque le réseau de chauffage de l’immeuble est horizontal) ou financières, le législateur invite à se tourner vers des répartiteurs de frais. Un appareil dont la fiabilité est des plus controversées. Les répartiteurs ne sont pas conçus pour compter la quantité de chaleur consommée ; ils se limitent à mesurer une différence entre la température de la pièce et le radiateur.

Selon le bureau d’études Enertech spécialisé dans la performance énergétique du bâtiment, les répartiteurs peuvent entraîner des erreurs pouvant aussi bien surestimer la consommation de 80 % que la sous-estimer de 30 %. Défaillants mais coûteux il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres des associations de consommateurs et de professionnels !

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.